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Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/59

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Du côté de la Ville.
1o La tour du Puits ;
2o De la Liberté ;
3o De la Bertaudière ;
4o De la Bassinière.
Du côté du Faubourg.
1o La tour du Coin ;
2o De la Chapelle ;
3o Du Trésor ;
4o De la Comté.

Le nom de la première tour du côté de la ville lui vint d’un puits qui servait à l’usage des cuisines. On ignore ce qui a pu faire donner à la seconde, dite de la Liberté, un nom si peu fait pour elle. La troisième devait sans doute sa dénomination à quelque prisonnier. La quatrième était ainsi appelée, parce que M. de la Bassinière y fut enfermé en 1663. La position de la première tour du côté de la campagne, formant le coin de la forteresse, lui a sans doute fait donner cette dénomination. Le nom de la seconde lui vint de sa proximité de la chapelle, qui se trouvait sous la voute de l’ancienne porte de ville. Lors de la démolition, on y a trouvé les débris d’un autel. On avait construit une autre chapelle vis-à-vis de l’ancienne, auprès de la tour de la Liberté ; dans le mur d’un des côtés de cette chapelle, étaient pratiquées six petites niches, dont chacune ne pouvait contenir qu’un seul prisonnier, et ceux à qui l’on permettait d’y entendre la messe, n’avaient là ni air, ni jour ; on ouvrait un rideau qui couvrait une étroite lucarne vitrée et grillée, à travers laquelle on entrevoyait, comme avec une lorgnette, le prêtre officiant. Le nom de la troisième tour du même côté lui fut donné sans doute, parce que Henri IV y fit enfermer le trésor royal ; celui de la quatrième indique suffisamment son affectation.

Voici la liste des principaux gouverneurs de la Bastille à peu près depuis sa fondation : en 1385, Jean de la Personne, vicomte d’Acy ; en 1404, le sire de Saint-Georges ; en 1413, Louis de Bavière, oncle du Dauphin ; en 1416, Thomas de Beaumont ; sous Louis XI, ce poste important fut confié à Philippe l’Huillier ; en 1588, le duc de Guise, maître de Paris, nomma Bussi-Leclerc gouverneur de la Bastille ; Dubourg en était gouverneur en 1594, lors de l’entrée de Henri IV à Paris ; le roi nomma de Vic pour le remplacer ; Sully lui succéda en 1601 ; Marie de Médicis, pendant la régence, y plaça, comme capitaine, M. de Châteauvieux ; en 1617, Bassompierre, Vitry et le duc de Luynes, successivement gouverneurs, furent remplacés, d’abord par le duc de Luxembourg, puis par le maréchal de l’Hôpital ; Leclerc du Tremblay eut la garde de cette forteresse sous la Fronde ; Rouvière, fils du célèbre conseiller Pierre Broussel, lui succéda ; Baisemaux occupa ensuite cette place et la conserva jusqu’à sa mort ; il fut remplacé par le fameux Cinq-Mars ; Bernaville remplissait cette fonction en 1717. Les derniers gouverneurs de la Bastille furent Pierre Baisle, François d’Abadie, de Jumilhac, et enfin l’infortuné Jourdan de Launay. Le gouverneur de la Bastille recevait une somme proportionnée à la qualité des prisonniers : c’était un écu pour un homme sans état ; 5 livres pour un bourgeois, pour un procureur, un avocat ; la taxe d’un prêtre, d’un financier et d’un juge ordinaire, était une pistole ; d’un conseiller au parlement, 15 liv. ; d’un lieutenant-général des armées, 24 liv. ; d’un maréchal de France, 36 liv. On allouait au gouverneur dix places qui lui étaient payées, occupées ou non, sur le pied de 10 liv. par jour. Le gouvernement de la Bastille rapportait 60 000 liv. Le lieutenant du roi et tous les officiers de l’état-major avaient, ainsi que le gouverneur, la croix de Saint-Louis. Le lieutenant-général de police était le véritable chef de la Bastille ; c’était par lui que passaient tous les ordres. Quand le parlement acceptait des commissions pour juger les prisonniers, il n’était pas permis aux juges d’entrer dans le château ; c’était en dehors qu’ils tenaient leurs assises et qu’on leur amenait l’accusé.

Quelques années avant la révolution, l’avocat Linguet fut mis à la Bastille. Là, ce prisonnier s’amusait à écrire des mémoires contre le gouvernement. Un jour un homme pâle, grand et fluet, entra dans son cachot : — « Pourquoi me dérangez-vous ? » dit Linguet, avec l’accent de la colère. — « Monsieur, je suis le barbier de la Bastille », répondit le Figaro des prisonniers d’état. — « Ceci est différent, mon cher ; puisque vous êtes le barbier de la Bastille, faites-moi le plaisir de la raser ». Et Linguet se remit à écrire. Le 14 juillet 1789, le peuple se chargea de cette opération.

Le 14 août suivant, les ouvriers employés à sa démolition trouvèrent, dans la partie de la tour de la Comté, cinq boulets incrustés dans la pierre ; on a pensé qu’ils avaient été lancés en cet endroit lors de la bataille Saint-Antoine. Ces boulets ont été offerts par les architectes à M. de La Fayette. Une partie des matériaux qu’on tira de la démolition de cette forteresse servit à construire le pont Louis XVI (aujourd’hui de la Concorde).

Au sud-est de la place de la Bastille, on voit un éléphant colossal auquel se rattachent quelques souvenirs de gloire. Un décret impérial, rendu au palais des Tuileries le 24 février 1811, porte ce qui suit : « L’éléphant destiné à orner la fontaine de la Bastille sera coulé en bronze. La matière de ce monument ne sera pas comprise dans la dépense ; elle sera fournie par nos arsenaux, et notre ministre de la guerre affectera à cette destination les pièces de bronze qui ont été prises dans la campagne de Friedland. » Ce monument a été exécuté en plâtre. Il y a quelques mois, on avait projeté de nouveau de le couler en bronze et de le transporter à la place du Trône ; cet embellissement a été ajourné. — Une ordonnance royale, du 6 juillet 1831, a prescrit l’érection d’un monument funéraire en l’honneur des victimes des trois journées. La première pierre a été posée par le roi, le 27 du même mois. La colonne