eux ceux au milieu desquels ils pénétraient et non en se laissant absorber. Cependant, l’histoire des Marranes espagnols est exceptionnelle. Partout ailleurs, nous allons le voir, les Juifs jouèrent le rôle d’agents économiques ; ils ne créèrent pas un état social, mais ils aidèrent d’une certaine façon à son établissement, et pourtant ils ne purent être traités avec bienveillance au milieu de ces organismes à la formation desquels ils contribuèrent. Il y eut à cela un empêchement capital. Tous les États du Moyen Âge furent pétris par l’Église ; dans leur essence, dans leur être, ils furent pénétrés des idées et des doctrines du catholicisme ; c’est la religion chrétienne qui donna aux multiples peuplades qui s’agrégèrent en nationalité, l’unité qui leur manquait. Or les Juifs, qui représentaient des dogmes contraires, ne pouvaient que s’opposer, soit par leur prosélytisme, soit même par leur seule présence, au mouvement général. Comme c’est l’Église qui mena ce mouvement, c’est de l’Église que partit l’antijudaïsme, théorique et législatif, antijudaïsme que les gouvernements et les peuples partagèrent et que d’autres causes vinrent aggraver. Ces causes, l’état social et religieux et les Juifs eux-mêmes les firent naître ; mais elles restèrent toujours subordonnées à ces raisons essentielles qui peuvent se ramener à l’opposition, déjà séculaire, de l’esprit chrétien et de l’esprit juif, de la religion catholique universelle et internationale si l’on peut dire, et de la religion juive particulariste et étroite. Ce fut au
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