Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/136

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qui ne demandaient qu’à se manifester, et dans leurs homélies, dans leurs prêches c’était surtout le côté social qu’ils mettaient en lumière. Ils tonnaient contre la nation « infâme » qui « vit de rapines », et s’ils mêlaient à leurs invectives quelque souci de prosélytisme, ils se présentaient surtout comme des vengeurs, venus pour châtier « l’insolence, l’avarice, la dureté des Juifs ». Aussi étaient-ils écoutés. En Italie Jean de Capistrano, le « Fléau des Hébreux », soulevait les pauvres contre l’usure des Juifs et leur endurcissement ; il poursuivait son œuvre en Allemagne et en Pologne, menant à sa suite des bandes de hères misérables et désespérés qui faisaient expier leurs souffrances aux communautés juives. Bernardin de Feltre suivait son exemple, mais il était hanté d’idées plus pratiques, celle entre autres d’organiser des Monts-de-Piété, pour obvier à la rapacité des prêteurs. Il parcourait l’Italie et le Tyrol, demandant l’expulsion des Hébreux, provoquant des soulèvements et des émeutes, causant le massacre des Juifs de Trente.

Les rois, les nobles et les évêques n’encourageaient pas cette campagne des réguliers. En Allemagne, ils protégeaient les Israélites contre le moine Radulphe ; en Italie ils s’opposaient aux prédications de Bernardin de Feltre qui accusait les princes de s’être laissés acheter par Yehiel de Pise, le plus riche Juif de la péninsule ; en Pologne, le pape Grégoire XI arrêtait la croisade du dominicain Jean de Ryczywol. Les gouvernants avaient tout