Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/137

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intérêt à réprimer ces soulèvements partiels, ils savaient par expérience que les bandes de meurt-de-faim, lorsqu’elles avaient égorgé les Juifs, égorgeaient ceux qui, comme eux, détenaient de trop grandes richesses, ceux qui jouissaient d’exorbitants privilèges, ou ceux, seigneurs, comtes ou barons, dont la domination pesait trop sur les épaules des contribuables. Les Pastoureaux, les Jacques, les fidèles des Armleder, plus tard les paysans de Munzer, montrèrent que les détenteurs du pouvoir n’avaient pas tort de craindre : en protégeant jusqu’à un certain point les Juifs, ils se protégeaient eux-mêmes.

Quant à l’Église, elle s’en tenait à l’antijudaïsme théologique et, essentiellement conservatrice, propice aux puissants et aux riches, elle se gardait d’encourager les fureurs du peuple ; je parle de l’Église officielle, l’Église opulente des prébendiers, l’Église unitaire et centralisatrice que des rêves d’universelle domination berçaient, l’Église des synodes, l’Église légiférante et non l’Église des menus prêtres et des moines qui était soulevée par les mêmes colères qui agitaient les humbles. Mais si l’Église intervenait parfois en faveur des Juifs lorsqu’ils étaient en butte aux haines de la foule, elle entretenait cette haine et lui fournissait des aliments en combattant le judaïsme, bien qu’elle ne le combattît pas pour les mêmes motifs.

Fidèle à ses principes, elle poursuivait vainement l’esprit juif sous toutes ses formes. Il lui était im-