Tout l’antisémitisme moderne en Russie, antisémitisme qui est surtout un antisémitisme officiel, consiste à empêcher les Juifs de se soustraire aux ukases sénatoriaux dont nous venons de parler. La Russie s’est résignée à ses Juifs, mais elle a voulu les laisser là où elle les avait pris. Cependant il y a eu pour les Israélites des alternatives heureuses, ou moins malheureuses. Alexandre Ier les autorisa en 1808 à habiter les domaines de la couronne, à condition d’y être agriculteurs ; Nicolas leur permit de voyager pour les besoins de leur commerce, ils purent fréquenter les universités et sous Alexandre II leur position s’améliora encore[1].
Après la mort d’Alexandre II, la réaction autoritaire fut effroyable en Russie : à la bombe des nihilistes répondit un abominable réveil de l’absolutisme. On surexcita l’esprit national et orthodoxe, on attribua le mouvement libéral et révolutionnaire aux influences étrangères et, pour détourner le peuple de la propagande nihiliste, on le jeta sur les Juifs ; de là les massacres de 1881 et 1882, pendant lesquels la foule incendiait les maisons israélites, pillait et
- ↑ N. de Gradovski : La situation légale des Israélites en Russie (Paris 1891). — Tikhomirov : La Russie politique et sociale (Paris, 1888). — Les Juifs de Russie (Paris, 1891). — Prince Demidoff-San-Donato : La question juive en Russie (Bruxelles 1884). — Anatole Leroy-Beaulieu : L’Empire des Tzars et les Russes. (Paris, 1881-82-89.) — Weber et Kempster : La situation des Juifs en Russie (Résumé du rapport adressé au gouvernement des États-Unis, par ses délégués). — Léo Errera : Les juifs Russes (Bruxelles, 1893). — Harold Frédéric : The New Exodus (1892).