aucun droit, aucun pouvoir, et aujourd’hui il brillait au premier rang ; non seulement il était riche, mais encore, comme il payait le cens, il pouvait être électeur et gouverner le pays. C’était lui que le changement social avait le plus favorisé. Aux yeux des représentants du passé, de la tradition, il parut qu’un trône avait été renversé et des guerres européennes déchaînées, uniquement pour que le Juif pût acquérir rang de citoyen, et la déclaration des Droits de l’Homme sembla n’avoir été que la déclaration des droits du Juif. Aussi les antisémites chrétiens ne se bornèrent-ils pas à s’indigner des spéculations des Juifs sur les biens nationaux ou sur les fournitures militaires[1], ils leur appliquèrent le vieil adage juridique : fecisti qui prodes. Si les Juifs avaient à ce point bénéficié de la Révolution, s’ils en avaient tiré un tel profit, c’est qu’ils l’avaient préparée, ou pour mieux dire qu’ils y avaient aidé de toutes leurs forces.
Il fallait cependant expliquer comment ce Juif, méprisé et haï, considéré comme une chose, avait eu le pouvoir d’accomplir de telles actions, comment il avait disposé d’une aussi formidable puissance. Ici intervient une théorie, ou plutôt une philosophie de l’histoire, familière aux polémistes catholiques. D’après ces historiens, la Révolution française, dont le contrecoup fut universel, et qui transforma toutes
- ↑ Je ne veux pas dire par là que les Juifs furent les seuls à spéculer de la sorte ; au contraire, parmi ceux qui spéculèrent, ils furent une infime minorité.