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quage maladroit et sans critique de Barruel, de Gougenot, de Dom Deschamps et de Crétineau Joly[1].

Toutefois, avec M. Drumont, comme avec le pasteur Stoecker, l’antisémitisme chrétien se transforme, ou plutôt, il emprunte à quelques sociologues des armes nouvelles. Si M. Drumont combat l’anticléricalisme du Juif, si M. Stoecker, soucieux de mériter le nom de second Luther, s’élève contre la religion juive destructrice de l’état chrétien, d’autres préoccupations les dominent ; ils attaquent la richesse juive, et attribuent aux Juifs la transformation économique qui est l’œuvre de ce siècle. Ils poursuivent bien encore, dans l’Israélite, l’ennemi de Jésus, le meurtrier d’un dieu, mais ils visent surtout le financier, et en cela ils s’unissent à ceux qui professent l’antisémitisme économique.

Cet antisémitisme se manifesta dès les débuts de la finance et de l’industrialisme juif. Si on en trouve seulement des traces dans Fourier[2] et Proudhon, qui se bornèrent à constater l’action du Juif

  1. Il est à noter que dans la France juive (je veux dire dans les premiers chapitres) M. Drumont ne cite pas une seule fois Gougenot des Mousseaux, ni Barruel, il cite trois fois Dom Deschamps en passant et une fois La Vendée militaire de Crétineau Joly, et cependant il a largement mis à contribution ces écrivains, à moins que ses documents historiques ne lui aient été fournis par des disciples de ceux que je viens de citer, ce qui est bien possible. Il n’est bien entendu question ici que de M. Drumont historien et non de M. Drumont polémiste.
  2. Fourier : Le Nouveau Monde industriel et sociétaire (Paris, librairie Sociétaire, 1848).