Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/304

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judaïsme fut combattu par le christianisme naissant, toute la haine et toute la colère des sicaires, des patriotes, des pieux se reversa sur les Juifs qui se convertissaient : sur les minéens. En désertant la foi nationale, ils désertaient le combat contre Rome et contre l’étranger, ils étaient traîtres à la patrie, à la religion juive, ils se désintéressaient d’une lutte qui était vitale pour Israël ; groupés autour de leurs nouvelles églises, ils regardaient d’un œil indifférent la gloire de la nation s’écrouler, son autonomie disparaître, et non seulement ils ne combattaient pas contre la louve, mais encore ils énervaient les courages de ceux qui les écoutaient. C’est contre eux, contres ces antipatriotes que furent rédigées des formules de malédiction ; les Juifs les mirent au ban de leur société, il fut licite de les tuer, comme il était licite de tuer le « meilleur des goïm ». Dans toutes les périodes de luttes patriotiques, chez toutes les nations, on trouverait des exhortations semblables ; les proclamations des généraux, les appels aux armes des tribuns de tous les âges contiennent d’aussi odieuses formules. Quand les Français envahirent le Palatinat, par exemple, ce dut être une règle pour les Allemands, plus même, un devoir, que de dire : « Le meilleur des Français, tue-le ! » De même, lorsqu’à leur tour les Allemands entrèrent en France, ce fut sans doute au tour des Français de dire : « Le meilleur des Allemands, tue-le ! » C’est la guerre cruelle, abominable, qui engendre de tels sentiments, et chaque fois que l’esprit guerrier est réveillé par