Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/309

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dont se manifeste le principe des nationalités.

Qu’est-ce que la question des nationalités ? On entend par là « ce mouvement qui porte certaines populations ayant la même origine et la même langue, mais faisant partie d’États différents, à se réunir de façon à constituer un seul corps politique, une seule nation »[1]".

En même temps que la Révolution proclama les droits des peuples, elle bouleversa la vieille conception autoritaire et dynastique sur laquelle étaient fondées les nations ; les territoires, jadis propriété et domaine des rois, devinrent les domaines des peuples qui les occupaient. Le gouvernement royal constituait par lui-même l’unité nationale, le gouvernement représentatif, constitutionnel, plaça son unité autre part : dans la communauté d’origine et dans la communauté de langue. Le lien artificiel étant rompu, on chercha un lien naturel ; il y eut un effort des nations pour conquérir une individualité; elles tendirent toutes vers l’unité qui leur manquait. C’est vers 1840 surtout que les idées nationales se manifestèrent, c’est elles qui se mirent à l’œuvre et l’Europe contemporaine fut fondée par elles. La théorie de l’État national fut élaborée par les savants, les historiens, les philosophes, les poètes de tout un âge. « Tout peuple est appelé à former un état, a le droit de se former en état. L’humanité se divise en peuples, le monde doit se partager en états corres-

  1. Laveleye : Le Gouvernement dans la Démocratie, t. I, p. 53, Paris, 1891.