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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/310

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pondants. Tout peuple est un État, tout État une personne nationale »[1]. Cette théorie, ces idées devinrent des forces puissantes et irrésistibles. Ce sont elles qui firent l’unité de l’Allemagne, celle de l’Italie et furent les causes de l’irrédentisme ; ce sont elles qui créent encore le séparatisme en Irlande et en Autriche, qui provoquent les luttes entre Magyars et Slaves, entre Tchèques et Allemands. C’est sur ces idées des nationalités que se basèrent, et que se basent, la Russie et l’Allemagne pour constituer leur empire pangermanique ou panslavique, et n’est-ce point ce panslavisme et ce pangermanisme qui agitent l’Orient européen, n’est-ce point de leur choc lointain ou proche que dépendent les destinées de cette partie de l’Europe ?

Il ne peut être question ici de discuter la légitimité ou la non-légitimité de ce mouvement. Il suffit, pour ce qui nous intéresse, d’en constater l’existence. Comment les peuples traduisent-ils cette tendance à l’unité ? De deux façons : en réunissant sous le même gouvernement tous les individus qui parlent la langue nationale, ou en réunissant les éléments hétérogènes qui coexistent dans les nations, au profit d’un de ces éléments qui devient prépondérant, et dont les caractéristiques deviennent dès lors des caractéristiques nationales. Ainsi, les Allemands s’efforcent d’assimiler les Alsaciens et les Polonais ; les Russes obligent les Polonais à entretenir les universités

  1. Bluntschli : Théorie générale de l’État, p. 84.