Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/313

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dans nos civilisations contemporaines le même sens qu’il acquit dans le droit romain le sens d’hostis, d’ennemis. On limite de toutes les manières les droits économiques et les droits politiques de l’immigrant. On s’oppose aux immigrations, on expulse même les étrangers lorsque leur nombre devient par trop considérable, on les regarde comme un danger pour la culture nationale, qu’ils modifient ; on ne se rend pas compte que c’est là une condition de vie pour cette culture même. C’est que nous vivons à une période de changements, et que l’avenir ne s’ouvre pas bien nettement devant les peuples. Bien des hommes sont inquiets du futur ; ils sont attachés aux vieilles coutumes. Ils voient dans toute transformation la mort de la société dont ils font partie, et, conservateurs opposés à cette transformation, ils haïssent profondément tout ce qui est susceptible d’amener une modification, tout ce qui est différent d’eux, c’est-à-dire l’étranger.

À ces égoïstes nationaux, à ces exclusivistes, les Juifs sont apparus comme un danger, parce qu’ils ont senti que ces Juifs étaient encore un peuple, un peuple dont la mentalité ne s’accordait pas avec la mentalité nationale, dont les concepts s’opposaient à cet ensemble de conceptions sociales, morales, psychologiques, intellectuelles, qui constitue la nationalité. Aussi, les exclusivistes sont devenus antisémites parce qu’ils pouvaient reprocher aux Juifs un exclusivisme tout aussi intransigeant que le leur et tout l’effort antisémite tend, nous l’avons vu