Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/325

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tice, c’est connaître Dieu[1], et la justice devient une émanation de la divinité ; elle prend un caractère révélé. Pour Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, elle fait partie du dogme, elle a été proclamée pendant les théophanies sinaïques, et peu à peu naît cette idée : Israël doit réaliser la justice.

C’est ce désir qui guide tous les grands vaticinateurs, avant et pendant la captivité. Si le peuple élu ne pratique pas la justice, il en sera puni comme de son idolâtrie. S’il est conduit en esclavage, ce n’est pas seulement parce qu’il a adoré Aschera et Kamosch, qu’il a sacrifié sur les hauts lieux, qu’il a déshonoré le sanctuaire, c’est aussi parce qu’il est pourri d’iniquité.

Toutes les écoles prophétiques étaient pénétrées de ces pensées. Les prophètes se croyaient envoyés pour travailler à l’avènement de la justice. Ce qui les frappait le plus était évidemment l’inégalité des conditions. Tant qu’il y aurait des pauvres et des riches, on ne pourrait espérer le règne de l’équité. Selon les nabis inspirés, les riches étaient l’obstacle à la justice, et celle-ci ne devait être amenée que par les pauvres. Aussi les anavim et les ebionim, les affligés et les pauvres, se rassemblaient-ils autour des prophètes, leurs défenseurs. Avec eux, ils protestaient contre les exactions ; en retour, les prophètes les présentaient comme modèles, et d’après eux, ils traçaient le portrait du juste : « Le juste est celui qui marche

  1. Jérémie, XXII, 15, 16.