Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/374

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agonie. Elle meurt sous les coups de la raison et de la science, elle meurt tout naturellement parce qu’elle a répondu à une période de civilisation et que, plus nous marchons, moins elle y correspond. Nous perdons de jour en jour le sens et le besoin de l’absurde par conséquent le besoin religieux, surtout le besoin pratique, et ceux qui croient encore à la divinité ne croient plus à la nécessité, ni surtout à l’efficacité du culte.

Le Juif a-t-il participé à cette éclosion de l’esprit moderne ? certes oui ; mais il n’en est pas le créateur, ni le responsable, et il n’a apporté qu’une faible pierre à l’édifice qu’ont bâti des siècles ; supprimez maintenant le Juif, le catholicisme ou le protestantisme n’en seront pas moins en décrépitude. Si le Juif fait ainsi illusion, c’est que, dans l’histoire du libéralisme moderne en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, il a joué un grand rôle, et que le libéralisme a marché de pair avec l’anticléricalisme. Le Juif a été certainement anticlérical ; il a poussé au Kulturkampf en Allemagne, il a approuvé les lois Ferry en France, et l’on a cru que son libéralisme venait de son antichristianisme, tandis que le contraire était vrai. À ce point de vue, il est juste de dire que les Juifs libéraux ont déchristianisé, ou du moins qu’ils ont été les alliés de ceux qui poussèrent à la déchristianisation, et pour les antisémites conservateurs, déchristianiser c’est dénationaliser. Il y a là de la part des antisémites une confusion : ils confondent nation et état. Le libéralisme