anticlérical ne dénationalise pas : il tue le vieil état chrétien. Or notre siècle aura vu le dernier effort de cet état chrétien pour garder la domination. Cette conception de l’état féodal reposant sur la communauté des croyances, l’unité de la foi, et aux avantages duquel hérétiques et incrédules ne peuvent participer, est en opposition avec la notion de l’état neutre et laïque, sur lequel se sont fondées la plupart des sociétés contemporaines. L’antisémitisme représente un côté de la lutte entre les deux formes d’état dont nous venons de parler.
Le Juif est le vivant témoignage de la disparition de cet état qui avait à sa base des principes théologiques, état dont les antisémites chrétiens rêvent la reconstitution. Le jour où le Juif a occupé une fonction civile, l’état chrétien a été en péril ; cela est exact, et les antisémites qui disent que les Juifs ont détruit la notion de l’état pourraient plus justement dire que l’entrée des Juifs dans la société a symbolisé la destruction de l’état, de l’état chrétien bien entendu. Aux yeux des conservateurs, rien, en effet, n’est aussi significatif que la situation du Juif dans les collectivités modernes et, par une transposition fréquente, de ce qui n’est qu’un effet, ils font une cause, parce que cet effet, à son tour, agit, il est vrai comme cause.
Tels sont donc résumés les mobiles de l’antisémitisme politique et religieux. D’abord des répugnances et des préjugés ataviques fondamentaux puis, grâce à ces préjugés, une conception exagérée