Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/405

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gique, que les villes antiques ont embellie de légendes, en rapportant la vie de leurs héros fondateurs, fiction qui s’est transformée lorsque se sont fédérées les villes, lorsque se sont formées les nations, mais qui a persisté tout de même, qui a donné naissance à ces généalogies interminables, dont le but était toujours d’établir une filiation commune pour les membres d’un même état.

S’il n’est pas vrai que les Juifs soient une race, il n’est pas juste non plus de les considérer comme la cause des transformations modernes. C’est leur donner une trop haute place, si haute, qu’en réalité les antisémites font plutôt œuvre de philosémites. Faire d’Israël le centre du monde, le ferment des peuples, l’agitateur des nations, cela est absurde : c’est cependant ainsi que procèdent les amis et les ennemis des Juifs. Ils leur attribuent, qu’ils s’appellent Bossuet ou qu’ils se nomment Drumont, une importance excessive que la vanité du Juif, cette vanité sauvage et caractéristique, a d’ailleurs acceptée. Il faut cependant en rabattre. Si des monarchies et des empires se sont écroulés, si l’Église toute-puissante a vu décroître son autorité que tous les efforts de la bourgeoisie agonisante ne feront pas revivre, si l’indifférence religieuse s’accroît au contraire en même temps que marche la révolution, la faute n’en est pas aux fils de Jacob. Les Juifs n’ont certainement pas créé à eux seuls l’état actuel, seulement ils y sont mieux adaptés, en vertu de qualités ataviques et séculaires, que tous autres. Ils n’ont pas fondé cette société capitaliste, finan-