tous lieux et en tous temps, elles ont été pour lui des constantes, constantes extérieures et constantes intérieures.
Or, depuis cent ans ces constantes ont varié[1]. Les lois extérieures qui régissaient les Juifs ont cessé d’être ; la législation spéciale et uniforme qu’ils subissaient a été abolie, ils sont désormais soumis aux lois des pays dont ils sont des citoyens, et ces lois, étant différentes suivant les latitudes, sont un facteur de différenciation. Avec les lois ont disparu les coutumes : les Juifs ne vivent plus à l’écart, ils participent à la vie commune, ils ne sont plus étrangers aux civilisations qui les ont accueillis, ils n’ont plus une littérature spéciale, des mœurs particulières, singulières et caractérisantes ; ils ont accepté les façons de vivre des nations diverses entre lesquelles ils sont distribués. Comme ces façons sont différentes, elles différencient encore les Juifs, et des dissemblances de plus en plus grandes naissent désormais entre eux. Ils s’éloignent tous les jours de ce type professionnel et confessionnel qui existe encore, mais qui, fatalement, nécessairement, tend à disparaître, et n’est maintenu que par les constantes intérieures c’est-à-dire par la religion, par les rites et les habitudes qui en dépendent.
- ↑ Je rappelle une fois encore que je n’ai en vue que les Juifs de l’Europe occidentale, ceux qui ont été admis aux droits de citoyens dans les divers états qu’ils habitent, et non les Juifs orientaux qui sont encore sous le régime des lois d’exception, en Roumanie et en Russie, comme au Maroc et en Perse.