Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/87

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partout, en Asie Mineure comme en Italie, en Gaule comme en Espagne. En contact perpétuel avec les chrétiens, ils agissaient sur eux, et ne s’étant pas encore confinés dans cet isolement farouche que plus tard leurs docteurs préconisèrent, ils attiraient à leur culte beaucoup d’indécis et d’irrésolus. Leur ardeur prosélytique n’était pas morte, ils ne se rendaient pas compte qu’ils avaient définitivement perdu l’empire moral du monde et ils persistaient à lutter. Ils incitaient païens et chrétiens à judaïser, et ils trouvaient des adhérents, au besoin même ils en faisaient par force et n’hésitaient pas à circoncire leurs esclaves. Ils étaient les seuls ennemis que l’Église pouvait trouver en face d’elle, car le paganisme s’éteignait doucement, ne laissant plus en les âmes que des survivances légendaires, survivances qui ne sont pas mortes même de nos jours. S’il s’opposait encore par la voix de ses derniers philosophes et de ses derniers poètes à la diffusion du christianisme, il ne cherchait plus, à partir du quatrième siècle, à gagner à lui ceux que Jésus tenait en ses liens. Les Juifs, eux, n’avaient pas abdiqué : ils estimaient, au même titre que les chrétiens, être en possession de la vraie religion, et aux yeux du peuple leur affirmation avait tout l’attrait qui émane des convictions inébranlables. Au matin de son triomphe, l’Église n’avait pas cet ascendant universel qu’elle eut plus tard, elle était faible encore, bien que puissante, mais ceux qui la dirigeaient aspiraient à cette universalité, et ils devaient logiquement considérer les