Page:Lazare - Le Nationalisme juif, 1898.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contraire à la vérité, c’est de montrer les Juifs comme une nation spécialement haineuse, corruptrice et perverse. Ce qui me choque, car c’est contraire à la justice, c’est de rendre, dans un but fort louche, les Juifs responsables de tous les maux sociaux.

Quant à ce fait qu’il y a une nationalité juive, serait-il constaté uniquement par les antisémites et repoussé par ceux des Juifs qui s’imaginent volontiers, les uns qu’ils étaient autrefois aux côtés d’Arminius dans la forêt de Teutobourg et les autres près de Vercingétorix à Alésia, ce ne serait pas pour moi une raison de le nier, puisque l’évidence l’impose. Si je regarde devant moi, je vois, je le répète, quelques millions d’êtres humains ayant été soumis pendant des siècles aux mêmes lois intérieures et extérieures, ayant vécu sous les mêmes codes, ayant eu mêmes idées, mêmes mœurs ; je constate que ces milliers d’individus se donnent encore le même nom, qu’ils se sentent encore unis et qu’ils ont conscience d’appartenir au même groupement. Que puis-je convenablement conclure ? Que ces milliers d’individus forment une nation. On me dira que beaucoup d’entre eux se sont fondus, assimilés. Que signifie ceci ? N’y a-t-il pas, par exemple, des Allemands d’origine française et des Français d’origine allemande ? Cela empêche-t-il qu’il y ait une nation allemande et une nation française ? Certes, non, pas plus que cela n’empêche les critiques d’établir ce que tel auteur allemand doit à ses ascendants français et tel auteur français à ses ascendants allemands. La vérité est que, parmi les Juifs qui nient l’existence d’une nation juive, beaucoup sont poussés par la crainte des conséquences. Ce n’est pas chez eux — à de rares exceptions près — une opinion ou une conviction, c’est une diplomatie, et c’est parmi ceux-là — chose étrange — qu’on trouve le chauvin juif, celui qui dit : « Voilà ce qu’on ne voit pas chez les Juifs. » Ou : « Voici qui ne peut se trouver que chez les Juifs ». En réalité on trouve chez les Juifs la même somme de vertus et la même somme de vices et d’infamies que chez tout autre peuple. N’est-ce pas naturel ?

Si on examine maintenant cette nation juive, on constate qu’elle est, elle aussi, divisée en classes. Je ne parle pas de la noblesse juive, elle vient du saint Empire, mais il y a une grande bourgeoisie financière, industrielle et commerciale, une petite bourgeoisie intellectuelle et trafiquante, et un immense prolétariat juif. De même y a-t-il des Juifs conservateurs, des Juifs « juste-milieu » et des Juifs socialistes et révolutionnaires. On n’observe pas très bien ici, en Occident, ces divisions des Juifs, mais