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Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/12

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vint pas et que le capitaine ne vit jamais au cours du procès, pas plus que tout autre officier supérieur de l’état-major.

M. du Paty lui demanda d’écrire sous sa dictée une lettre et le capitaine Dreyfus dont l’étonnement redoublait ayant consenti, il se plaça à ses côtés et lui dicta une missive dans laquelle étaient énumérés les documents figurant dans le bordereau incriminé. Tout à coup, M. du Paty s’arrêta : « Votre main tremble », dit-il au capitaine Dreyfus. « J’ai froid aux doigts », répondit le capitaine. M. du Paty reprit sa dictée, puis : « Faites attention, recommanda-t-il, c’est grave » et à peine avait-il fini de dicter, qu’il saisit le bras du capitaine Dreyfus et « Au nom de la loi, je vous arrête, vous êtes accusé du crime de haute trahison ».

Cette scène d’ordinaire mélodrame avait été imaginée par M. du Paty de Clam. Si je la rapporte, c’est que l’accusation a laissé entendre que le trouble du capitaine Dreyfus, pendant qu’il écrivait, décida de son arrestation. L’arrestation avait été décidée avant, nous l’avons vu, le mandat avait été signé le 14 et le 14 au soir le commandant de la prison militaire du Cherche-Midi recevait l’ordre écrit de préparer une cellule pour un prisonnier d’État. Le 15, au matin, le lieutenant-colonel d’Aboville se rendait au Cherche-Midi pour communiquer au commandant Forzinetti des instructions secrètes. Puis, tout en attendant l’arrivée du capitaine Dreyfus, il appela l’attention de M. Forzinetti sur les propositions que lui feraient sans doute la banque cosmopolite et la haute juiverie, et il lui demanda sa parole d’honneur d’obéir strictement aux injonctions ministérielles, ce que le commandant Forzinetti refusa de faire, disant qu’il n’avait, en soldat, qu’à suivre les ordres de son supérieur.

Le trouble, exact ou supposé, du capitaine Dreyfus ne fut donc pas la cause véritable de son arrestation. La scène jouée dans le cabinet du général de Boisdeffre donna-t-elle une valeur quelconque à l’accusation ? Qui pourrait l’affirmer ! Dans ce que M. du Paty de Clam et les policiers présents ont appelé le trouble, la défense n’a jamais vu que la manifestation du sentiment de surprise que dut éprouver naturellement le capitaine Dreyfus devant une mise en scène aussi inusitée ; tout autre officier, en pareille circonstance, eût témoigné visiblement le même étonnement et en eût donné des marques.


LES PERQUISITIONS ET LA PREMIÈRE INSTRUCTION

Sitôt le capitaine Dreyfus écroué, le commandant du Paty de Clam et M. Cochefert se présentèrent à son domicile. Ils annoncèrent à Mme Dreyfus l’arrestation de son mari et procédèrent à une perquisition minutieuse qui, de l’aveu même de M. du Paty de Clam, ne donna aucun résultat. Le rôle de M. Cochefert était terminé, celui de M. de Paty ne faisait que commencer. Il est