Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est ruiné, couvert de dettes, affirmaient les uns, riche à millions, affirmaient les autres ; il a des propriété à Bordeaux, à Bourges, prétendaient ceux-ci, on a trouvé chez lui 400.000 francs en or, prétendaient ceux-là !


LES COMPLICES

On insinuait qu’il avait des complices. L’Éclair l’a affirmé encore : « Nous touchons, dit-il, à une question d’autant plus délicate que nous ne croyons pas que l’on puisse et que l’on veuille recommencer le procès pour ceux des complices que l’enquête à dessein écarta tout d’abord. Nous ne signalons ce détail que parce qu’il a été abordé dans l’enquête et qu’il concourt à établir la culpabilité de Dreyfus.

Si l'on perquisitionna chez Dreyfus, on ne perquisitionna pas chez ses alliés. Or, l’un de ceux-ci, deux jours plus tard, partait pour l’Italie. Un agent le filait et le voyait entrer au ministère de la guerre à Rome. L’agent n’avait pas mission de l’arrêter. Il se borna à faire son rapport.

On ne savait quelles raisons exactement appelaient au ministère italien ce personnage ; mais on savait que des documents secrets sur les ouvrages du corps retranché de Nice avaient été en possession de Dreyfus.

Le capitaine, au cours de l’un des voyages d’état-major accomplis par les élèves de l’École supérieure de guerre, avait étudié avec soin ces ouvrages sur lesquels il avait rédigé un rapport très détaillé qu’il avait pu compléter plus tard à l’aide des renseignements recueillis par lui à l’état-major de l’armée.

On ne crut pas devoir inquiéter ce personnage, car la justice militaire, rendue incompétente par l’introduction d’un civil dans l’affaire, aurait dû se dessaisir, et Dreyfus aurait échappé au Conseil de guerre pour comparaître devant la Cour d’assises.

D’ailleurs, une surveillance incessante exercée sur ce personnage suspect pouvait faire découvrir d’autres complices, car on en soupçonnait et l’on en soupçonne encore, à Nice notamment, qui sont observés de fort près. »

Tout cela est faux. On a filé en effet une personne, et cette personne est prête à se faire connaître. Si on ne l’a pas inquiétée, c’est qu’elle ne pouvait être inquiétée en aucune façon ; il n’existe pas de complice et il ne peut en exister puisqu’il n’y a pas eu trahison. Quant aux autres assertions, elles sont purement fantaisistes, mais elle tendent à tromper volontairement l’opinion publique. Je n’en rends pas responsable le journal qui les a reproduites.


LES CHARGES

Au moment du procès, le mystère que le gouvernement laissa planer sur l’accusation explique suffisamment l’affolement du reportage parisien ; mais on pesa directement sur quelques journaux, on leur envoya des informations mensongères, des notes équivoques et sensationnelles.

En même temps, le général Mercier, ministre de la guerre, oubliant l’influence qu’il devait avoir sur des juges militaires, se laissait interviewer. On était aux premiers jours de l’instruction et le général Mercier affirmait que les charges les plus accablantes s’élevaient contre le capitaine Dreyfus, qu’on avait les preuves les plus flagrantes de sa trahison. Nous savons maintenant que le