Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/15

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des hostilités ou à entreprendre la guerre contre la France, ou pour leur en procurer les moyens, sera puni de mort. Cette disposition aura lieu dans le cas même où les dites machinations ou intelligences n’auraient pas été suivies d’hostilités. »

Article complété par l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830 ainsi conçu :

« Sont réputés politiques les délits prévus : 1 a par les chapitres I et II du titre Ier du livre III du Code pénal… »

Et modifié par l’article 5 de la constitution du 4 novembre 1848, ainsi conçu :

« La peine de mort est abolie en matière politique. »

Et l’article 1er de la loi du 8-16 juin 1850, ainsi conçu :

« Dans tous les cas où la peine de mort est abolie par l’article 5 de la constitution, cette peine est remplacée par celle de la déportation dans une enceinte fortifiée, désignée par la loi, hors du territoire continental de la République… »

Dès que le dossier eut été remis, avec l’ordre d’informer, au parquet du Conseil de guerre, l’instruction commença, instruction absolument secrète. Dreyfus, redevenu complètement maître de lui, persista toujours au cours des débats, malgré les charges accablantes qui pesaient sur lui, à protester de son innocence.

Il est exact que le général Saussier a été tenu dans l’ignorance, exact qu’il en ait adressé des reproches au commandant Forzinetti, et cet incident secret n’a pu être, je le répète encore, communiqué à l’Éclair que par quelqu’un mêlé de très près au procès. Ce qui est inexact, c’est de faire commencer à ce moment l’instruction ; ce qui est inexact encore, c’est que des charges accablantes aient pesé sur le capitaine Dreyfus.

Dès que le parquet du conseil de guerre eût été saisi, M. le commandant Besson d’Ormescheville fut chargé de l’instruction et du rapport, mais le commandant du Paty de Clam travailla constamment avec lui, comme avec le commandant Brisset, commissaire du gouvernement. Il n’abandonna jamais l’affaire, et c’est lui qui introduisit dans le dossier des lettres et rapports de police non signés dont la fausseté fut reconnue plus tard. Comme cet étrange juge d’instruction n’avait entendu aucun témoin, ce soin incomba à M. d’Ormescheville ; il en entendit vingt-trois et son enquête, ainsi que les enquêtes policières, durèrent deux mois. Que produisirent-elles ? Rien.

Pendant la durée de l’instruction, comme récemment encore, les informations les plus contradictoires, les plus invraisemblables circulèrent dans les journaux. Le capitaine Dreyfus, disait-on, trahit depuis son entrée dans l’armée ; il a trahi à Fontainebleau, au Mans, à Paris, à l’école de guerre, enfin à l’état-major, où il n’était entré que pour trahir. Il a livré le nom des officiers envoyés à l’étranger, les secrets de la mobilisation, du transport et de la concentration des troupes. On l’a vu partout accomplissant son œuvre, à Monaco, à Nice, à Londres, à Bruxelles, à Rome, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, dans les villes frontières. Il fréquentait aussi les salons interlopes, jouait dans tous les cercles, suivait les courses, accomplissait sa besogne régulière, au ministère de la guerre et se conformait aux obligations familiales que lui commandait sa dissimulation. Deux vies d’homme n’eussent pas suffi à remplir tout ce programme !