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LE BŒUF DE MARGUERITE

On évitait de la contrarier de peur d’attirer sa vengeance. Elle pouvait changer en sang le lait pur d’une génisse, faire boiter tout à coup un cheval fringant, donner une couleur grise et un goût âcre à la meilleure farine de blé ; et si un jeune homme voulait se faire aimer d’une jeune fille, il n’avait qu’à lui donner un écu blanc, elle savait où cueillir le moureiller piquant dont le fruit rend amoureux.

Les enfants se cachaient dans les talles d’aunes ou derrière les clôtures, quand ils la voyaient venir avec son bœuf ensorcelé.

* * *

Or, il est bon de vous dire que Jonas Bernier, de la Rivière-Bois-Clair, offrait un grand repas à ses amis. C’était à son tour. Il avait dîné chez Louis Daigle, la semaine précédente, soupé avec les Trébert quelques jours après, réveillonné dans la famille Poudrier ensuite ; partout enfin où l’on avait festoyé un brin, pendant le carnaval, il avait eu sa place à table, et n’avait pas boudé la cuisinière.