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LE BŒUF DE MARGUERITE

mailles et après les récoltes, elle charroyait du bois de corde ou de l’écorce de pruche, aux bateaux, sur la grève, avec l’intéressant animal qui répond ou ne répond pas à ce nom sonore.

Bien dompté, le bœuf de Marguerite allait à hue et à dia comme un vieux cheval de labour. Parfois, quand il avait mangé une portion convenable, et que l’étrille avait lissé son poil roux, il se mettait à courir sur la route avec une rapidité surprenante, et semblait tout fier des nuages de poussière que soulevaient ses pieds fourchus.

Marguerite passait pour sorcière dans notre canton, et elle se donnait garde de détromper les naïfs. Ce n’est pas une mince satisfaction que d’être remarqué des siens, et il se trouve des vaniteux qui préfèrent une mauvaise réputation à l’oubli. On les regarde, on les salue, on les craint, pendant qu’on néglige l’honnêteté commune, et cela leur suffit.

Elle n’avait rien d’aimable, et ne soupçonnait pas le plaisir d’une bonne action.