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LE BŒUF DE MARGUERITE

la voiture le bœuf naguère ensorcelé, et reprennent au petit trot leur voyage de charité.

Quand ils traversèrent le village enveloppé d’ombres épaisses, les deux cornes qui flambaient jetèrent sur les arbres et les maisons de sinistres lueurs. Le village s’émut, s’agita, se précipita vers la place de l’église où le fantôme s’était arrêté.

Les cornes du bœuf roux de Marguerite, enveloppées de linges épais, brûlaient comme des candélabres superbes.

Le pétrole venait d’être trouvé et remplaçait déjà l’huile fumeuse des lampes primitives, et le suif de la pâle bougie.

Le merveilleux s’évanouissait. L’intervention de l’esprit mauvais n’était plus qu’une farce. La superstition chère aux simples s’en allait en fumée.

Il en viendra bien, désormais, des diables boiteux ou cornus, dans notre paroisse, avant que l’on gaspille l’eau bénite pour les arroser.