Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
BAPTÊME DE SANG

patriotisme était encore en ébullition. Il nous racontait les faits d’armes dont il avait été témoin, toujours les mêmes, mais de plus en plus beaux et grandissant toujours… Ils avaient l’auréole du passé et le prestige de la distance. Les héros de son temps lui paraissaient des demi-dieux, et nous, nous lui paraissions à peine des hommes. Cependant il nous appelait ses enfants. Mais ce mot plein de douceur avait parfois de terribles vibrations sur ses lèvres. Il nous appelait ainsi, je suppose, à cause de son grand âge et de notre jeunesse ; ou bien, à cause d’une comparaison qu’il faisait « in petto » entre les vertus d’aujourd’hui et les vertus d’antan. Peut-être aussi que cette appellation toute paternelle remplaçait dans sa bouche honnête le vilain juron. Il disait : Mes enfants ! comme d’autres disent : Sacré tonnerre !

Mon cousin « levait » une maison. Le mot ne se dit peut-être qu’ici, mais la chose se fait partout. Durant l’hiver, il