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BAPTÊME DE SANG

avait coupé les pièces de charpente, dans le coin de forêt qu’il garde jalousement au bout de sa terre, et les avait charroyées sur place, attendant les beaux jours de l’été pour édifier son nid.

Plus prudent que beaucoup d’autres, il ne défrichait pas son bien tout entier. Il conservait un large abri de verdure pour ses troupeaux et ses fontaines. Il prévoyait les besoins de l’avenir : la construction des bâtisses, les clôtures, le chauffage, toutes ces onéreuses nécessités de notre rigoureux climat.

Il avait voyagé loin, travaillé partout, observé beaucoup. Actif, intelligent, hardi, il était allé au devant de la fortune et avait eu le bonheur de la rencontrer…

Cependant il n’avait pas oublié le pays, et le souvenir du petit coin de terre béni qui, un jour, avait été pour lui tout le monde, était encastré dans son cœur, comme une perle sertie dans l’or. Il était venu mourir au lieu de sa naissance. Il avait dormi dans le berceau des aïeux, il