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BAPTÊME DE SANG

tant hâte de glisser nos balles neuves dans nos vieux mousquets. Enfin, elle arriva. Nous sortons. Nous passons tour à tour comme une procession de fantômes sur la route déserte. Le village est disparu là-bas dans la zone noire. Nous voilà embusqués derrière un petit rideau d’arbustes, le long d’une clôture, et là, priant le Dieu des nations de nous couvrir de son bouclier, nous regardons avec confiance l’endroit d’où l’ennemi doit surgir. Nous n’avions pas honte de prier, mes enfants ! Plus on craint le Seigneur, moins on craint les hommes !

Le jour commence à poindre. Des lueurs blanches glissent sur les champs, à travers les bosquets d’arbres noirs. Un trait rouge comme du sang déchire, à la hauteur des forêts lointaines, le levant endormi. Un nuage de poussière monte sur la route, là-bas.

— Courage, mes amis, dit Viger, les voici !

Un frisson court dans nos veines, et nos