Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
LA DERNIÈRE NUIT

la terre n’existaient plus déjà, et les choses de l’autre vie n’existaient pas encore. Terrible moment où, d’ordinaire, les fautes ne se rachètent plus, les récompenses ne se gagnent plus, la désespérance des uns et le triomphe des autres ne s’évitent plus !

Sa barbe blanche descendait onduleuse sur sa poitrine régulièrement soulevée par un souffle brusque et fiévreux. Ses yeux, fermés sous leurs sourcils épais, ne verraient jamais plus les richesses de la terre !… Ses oreilles closes n’entendraient plus jamais le joyeux tintement des pièces d’argent qui se heurtent !

Si elles pouvaient entendre les noms de Jésus, de Marie et de Joseph, pensais-je, l’écho de ces noms bénis réveillerait peut-être l’esprit débarrassé des matérielles affections. Je répétai donc à plusieurs reprises : Jésus, Marie, Joseph ! Jésus, Marie, Joseph !…

Le mourant parut comprendre. Sa bouche murmura quelque chose d’insaisissable, et ses mains, je crois, essayèrent de