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LE COUP DE FOURCHE

fleuve profond et large n’avait pas une ride. En arrière du vaisseau, dans le sillage qui s’élargissait toujours, la lumière ondoyait mollement et s’en allait, avec le flot un moment soulevé, se briser en millions de parcelles brillantes sur le sable doré de la rive. Nous aurions pu entendre les chansons des laboureurs revenant de l’ouvrage, et les aboiements des chiens aux premières ombres, si les grandes roues du bateau n’avaient sans cesse fouetté le fleuve dormant.

Sur un coteau lointain, tout à coup, au milieu des arbres qui paraissaient une dentelle noire au bord du ciel rose, on vit reluire une toiture toute petite. C’était comme une lampe qui se serait allumée sur un autel.

— Quel est ce point étincelant, me demanda l’un de mes amis ?

— C’est un calvaire, répondis-je… C’est un calvaire… Et si jamais vous passez là, arrêtez. Entrez dans la petite enceinte, agenouillez-vous sur la pierre, et