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FONTAINE VS. BOISVERT

elle le lança en même temps que sa menace. Elle atteignit le père Boisvert, et lui écorcha l’oreille. Il était très fort, Boisvert, et très doux aussi. Il dit à son garçon :

— Aie soin du père Moïse, toi.

Joseph eut une minute d’hésitation. Il allait, bien sûr, s’aliéner pour toujours le père d’Angélique, et les doux rêves dont il commençait à se bercer, ne se réaliseraient sans doute jamais. Ah ! le misérable fossé, il se creusait profond, maintenant, entre la jeune fille aimée et lui. Il allait devenir un abîme ! Quelques pelletées de sable enlevées ici plutôt que là, et voilà une destinée compromise, une vie brisée, un bonheur perdu !

En songeant à ces choses, il s’était approché du voisin et le tenait en échec, morne, triste, mais l’air décidé. Il fallait obéir à son père.

— Pourquoi cette chicane ? demanda-t-il après quelques instants. Laissez-nous donc travailler en paix, monsieur Fontaine.