Fait bouillir, en dansant autour du grand brasier,
Dans un vase de pierre, un chevreuil tout entier.
Et d’espace en espace, au bord des fraîches ondes
Qui sillonnent au loin ces retraites fécondes,
S’élève un vert bosquet où l’oiseau va chanter.
Et l’ours sombre et morose, en grognant, vient hanter
Le flanc d’un rocher noir, le fond d’une ravine
Où sa griffe déterre une amère racine.
Puis au-dessus de tout, limpide, radieux,
Comme un toit protecteur se déroulent les cieux.
Mais déjà Gabriel le chasseur intrépide
Avait franchi ces lieux dans sa course rapide ;
Et, près des monts Ozarks au flanc aride et nu
Avec ses compagnons il était parvenu.
Et depuis bien des jours le vieux pâtre et la vierge
Avaient quitté la ville et la petite auberge
Où l’hôtelier leur dit le départ du trappeur.
Toujours encouragés par un espoir trompeur,
Avec des Indiens au visage de cuivre,
Ils s’étaient mis en route empressés à le suivre.
Parfois ils croyaient voir, à l’horizon lointain,
S’élever vers le ciel, dans l’air pur du matin,
De son camp éloigné la fumée ondulante :
Le soir, ils ne trouvaient, sous la cendre brûlante,
Que des brasiers éteints et des charbons noircis.
Quoique bien fatigués et rongés de soucis
Ils ne s’arrêtaient pas, et, sans perdre courage,
Ils poursuivaient plus loin leur pênible voyage.
Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/100
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
ÉVANGÉLINE