Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
ÉVANGÉLINE

L’écoutait en silence, assise à quelques pas.
Ses yeux étaient de flamme ; elle ne pleurait pas.


Quand la vierge eut fini son histoire pénible
L’Indienne resta sans parole, insensible,
Comme si la terreur eut frappé son esprit :
Mais un moment après, tressaillante, elle prit
Dans ses deux frêles mains les mains d’Évangéline.
Puis assise à ses pieds dans l’ombre et la bruine,
Elle lui répéta l’histoire du Mowis,
Du Mowis fiancé, plus brillant que le lis,
Qui s’étant fait chérir d’une vierge encor pure
Une nuit partagea sa couche de verdure,
Et du discret wigwam sortit soudainement
Quand le rayon du jour dora le firmament ;
Qui pâlit, se fana, se fondit comme une ombre,
Aux baisers du soleil que chassait la nuit sombre.
Son amante abusée, en proie à ses regrets,
Le suivit, en pleurant, jusqu’au bord des forêts.
Tendant vers lui ses bras pour retarder sa fuite.
Sans reposer sa voix elle redit ensuite,
Avec le même accent et si doux et si beau,
Comment, pendant la nuit, la belle Lilinau,
Imprudente, et parfois légère en sa conduite,
Par un méchant fantôme avait été séduite.
Le fantôme venait, vers le déclin du jour,
Se cacher dans les pins qui voilaient le séjour
De Lilinau la vierge au front ceint de liane :
Et, lorsqu’elle passait le seuil de sa cabane,