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ÉVANGÉLINE

De sa noire retraite il sortait pour la voir.
Il soupirait d’amour comme le vent du soir,
Et murmurait tout bas de bien tendres paroles.
Lilinau, se fiant à ces propos frivoles,
Rechercha sa présence et l’aima tendrement.
Chaque soir il venait vers elle constamment.
En caressant, un jour, ses verdoyantes plumes
Elle suivit son vol à travers bois et brumes.
On ne la revit plus. Sa tribu la chercha ;
Mais personne jamais, sans doute, n’approcha
Du gîte où l’enchanteur la retenait captive.
Toujours Évangéline écoutait, attentive,
Les contes merveilleux de la femme des bois,
Et les sons lents et doux de sa magique voix.
Elle s’imaginait être au loin transportée
Au splendide horizon d’une terre enchantée.
Vers des cieux inconnus son cœur prenait l’essor.
La lune se leva comme une boule d’or
Sur les pics dentelés de l’Ozark aux flancs chauves,
Sa mystique lueur glissa dans les alcôves,
Les voûtes, les arceaux des lointaines forêts :
Et des gites cachés elle vit les secrets.
La tente de la vierge apparaissait plus blanche ;
La mousse et le roseau, le gazon et la branche,
Exhalaient des soupirs longs et mystérieux ;
Les ruisseaux murmuraient des bruits harmonieux
Et de tièdes zéphirs volaient sur les prairies.
La vierge abandonnait aux douces rêveries
Son esprit enivré, son cœur toujours aimant.
Mais une vague horreur, un noir pressentiment
Se glissaient dans son âme et troublaient son ivresse,
Comme un serpent impur se glisse avec adresse,