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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/24

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ÉVANGÉLINE

Où le coq orgueilleux chantait d’une voix fière,
Comme aux jours où son chant troubla l’âme de Pierre.
Les granges jusqu’au faîte étaient pleines de foin ;
Elles seules semblaient un village de loin :
Leurs toits proéminents étaient couverts en chaume,
Et le treffle fané remplissait de son baume
Le fenil où montait un solide escalier.
Là se trouvait encor le joyeux colombier
Avec ses nids moelleux, ses tendres créatures,
Ses doux roucoulements, ses amoureux murmures ;
Puis, au-dessus des toits, c’étaient les cris stridents
Des girouettes de tôle allant à tous les vents.

C’est ainsi que vivait en paix avec le monde,
En paix avec son Dieu, dans sa terre féconde,
Le fermier de Grand Pré. Sa joie et son appui,
Toujours Évangéline était auprès de lui,
Et gouvernait déjà sagement le ménage.
Plus d’un jeune amoureux à peu près de son âge,
La suivait à l’église, et priait à genoux
En reposant sur elle un œil tendre et jaloux,
Comme si cette femme avait été la sainte
Qu’il venait vénérer dans la pieuse enceinte.
Bien heureux qui pouvait, toucher sa blanche main !
Marcher à ses côtés sur le bord du chemin !
Quelques-uns osaient-ils à sa porte se rendre,
Pendant qu’ils l’écoutaient sur l’escalier descendre,
Ils se seraient ceux-là demandé bien en vain
Lequel battait plus fort, ou du marteau d’airain,