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ÉVANGÉLINE

Ou de leur cœur rempli d’espérance et d’angoisse.
Aux fêtes du Patron qu’invoquait la paroisse,
Vers le soir, la jeunesse assemblée au canton,
Dansait joyeusement au son du violon,
Et les garçons alors, remplis de hardiesse,
Lui répétaient tout bas quelques mots de tendresse ;
Mais inutilement, car de ces amoureux
Le jeune Gabriel était le seul heureux :
Gabriel Lajeunesse enfant du Gros Basile,
Un forgeron du bourg reconnu pour habile
Parmi les villageois qui l’estimaient surtout,
Car le peuple a jugé, de tout temps et partout,
L’état de forgeron métier honorable.
Les célestes liens d’une amitié durable
Unissaient le fermier et le vieux forgeron,
Et leurs petits enfants, l’espoir de leur maison,
Avaient grandi tous deux, charmants, pieux et sages,
Semblables à deux fleurs sous les mêmes feuillages.
Le curé du canton, homme aux nobles désirs,
Qui méprisait la terre et dont tous les loisirs
Étaient donnés au soin de sa chère jeunesse,
Leur avait enseigné l’amour de la sagesse
En leur montrant à lire. Enfants naïfs alors
Ils se livraient ensemble, en paix et sans remords,
Aux plaisirs innocents de l’innocente enfance.
Leur leçon récitée avec obéissance,
Ils couraient à la forge où Basile, le soir,
Bien souvent, les bras nus, le visage tout noir,
Un tablier de cuir autour de la ceinture,
Sans crainte soulevait, avec une main sûre,
D’un cheval hennissant le vigoureux sabot ;
Pendant qu’auprès de lui, dans un feu de fagot