« L’injustice est partout et personne n’a tort :
« Tout le droit maintenant appartient au plus fort. »
Sans paraître observer la chaleur de Basile
Leblanc continua d’une voix fort tranquille :
« L’homme est injuste, mais le bon Dieu ne l’est pas :
« La justice triomphe à son tour ici-bas.
« Et pour preuve je vais vous redire une histoire
« Qui ne s’efface point de ma vieille mémoire :
« Elle me consolait de mon destin fatal
« Lorsque j’étais captif au fort de Port Royal.
« Un vieillard aimait bien cette histoire touchante :
« A ceux que maltraitait quelque langue méchante
« D’une voix tout émue il allait la conter :
« Je voudrais comme lui pouvoir la répéter :
— « Sous le ciel africain, dans une ville antique
« On voyait autrefois, sur la place publique,
« Une haute colonne au piédestal d’airain
« Qu’avait fait élever un puissant souverain,
« Et sur cette colonne une statue en pierre,
« Figurait la justice impartiale et fière ;
« Une large balance, un glaive menaçant
« Etaient ses attributs, et disaient au passant
« Que dans cette cité la suprême justice
« De l’opprimé toujours était la protectrice.
« Cependant la balance, au fond de ses plateaux,
« Voyait chaque printemps, bien des petits oiseaux
« Bâtir leurs nids moelleux en chantant et sans craindre
« Le glaive flamboyant qui semblait les atteindre.
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ÉVANGÉLINE