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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/54

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ÉVANGÉLINE

Ne les vint pour jamais ravir à leurs regards.
Et les petits enfants, loquaces et gaillards
Aiguillonnant les bœufs de leurs voix menaçantes,
Marchaient à leurs côtés, et leurs mains innocentes
Serraient contre leur cœur quelques hochets bien chers
Qu’ils voulaient emporter de l’autre bord des mers.


Ils arrivent enfin dans ce lieu solitaire
Où la Gasperau mêle, en bruissant, son eau claire
Aux flots de l’Océan. Pâles, les yeux hagards,
On les voit sur la rive errer de toutes parts !
On voit des paysans le modeste bagage
Pêle-mêle entassé sur la berge sauvage !
Et tout le long du jour les fragiles canots
Les transportent à bord des superbes vaisseaux !
Et tout le long du jour de nombreux attelages,
Chargés péniblement, descendent des villages !


L’aile sombre du soir sur le bourg s’étendit :
Un grand calme régnait. Soudain l’on entendit
Le triste roulement des tambours à l’église.
Une terreur profonde, une horrible surprise
Des femmes du hameau font tressaillir les cœurs.
Et, bravant des soldats les sarcasmes moqueurs,
Elles courent au temple, en assiègent la porte.
Mais voici qu’aussitôt, le front haut, l’âme forte,