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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/65

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ÉVANGÉLINE



II




Mai semait dans les champs le lis et l’immortelle.
Rapide et frémissante une longue nacelle
Glissait sur les flots d’or du Grand Mississippi.
Elle passa devant le Wabash assoupi,
Et devant l’Ohio qui balance ses ondes
Comme un champ de maïs berce ses tiges blondes.
Or ceux qui la montaient étaient des Acadiens,
De pauvres exilés dépouillés de leurs biens,
Triste et frêle débris d’un peuple heureux naguère,
Aujourd’hui dispersé sur la rive étrangère.
Une même croyance et les mêmes malheurs
Unissaient fortement ces pieux voyageurs.
A travers les forêts, les campagnes fleuries,
A travers les vallons et les vertes prairies,
Sur les sables ou l’onde ils s’en allaient errants,
Cherchant, de toutes parts, leurs amis, leurs parents.
Parmi ces fugitifs la belle Evangéline,
Semblable, en ses ennuis, au cyprès qui s’incline
Sur la fosse profonde où dort un malheureux,
Allait avec Félix son guide vertueux.


Le jour naît et s’enfuit, et la frêle pirogue,
Sur le fleuve écumeux, toujours se berce et vogue.