Elle effleure, tantôt, le pied d’un noir rocher,
Tantôt, parmi les joncs, on la voit se cacher.
Quand l’aile de la nuit s’entr’ouvre sur la terre
Elle cherche, à la côte, un abri solitaire ;
Les voyageurs lassés dressent leur campement,
Et couchés près du feu, reposent un moment.
Enfin elle franchit des chutes aboyantes,
Rase des bords féconds, des îles verdoyantes,
Où le fier cotonnier berce, d’un air coquet,
Ses aigrettes d’argent et leur moelleux duvet.
Elle s’avance, ensuite, en des anses profondes
Où de longs bancs de sable élèvent, sur les ondes,
Comme un ruban doré, leurs dos étincelants.
Et sur ces bancs de sable où les flots ondulants
S’en viennent tour à tour, chanter à leur passage,
Elle voit s’agiter le doux et blanc plumage
Des nombreux pélicans qui guettent le poisson,
L’insecte au fin corsage et l’impur limaçon.
La rive qu’elle effleure est basse et parfumée ;
La végétation est brillante, animée ;
Les oiseaux font entendre un magique concert ;
La fleur élève au ciel son calice entr’ouvert.
De distance en distance, au bord du gai rivage,
Au milieu d’un jardin ou d’un ombreux bocage,
S’élève la maison d’un Planteur enrichi
Et du nègre indolent la case au toit blanchi.
Les exilés touchaient cette terre féconde
Qu’un printemps éternel de son éclat inonde ;
Où toujours des moissons se balancent au vent.
Le grand fleuve, empressé, décrit, vers le levant,
Sous un ciel tout de flamme, une courbe lointaine,
Et ses flots transparents roulent dans une plaine
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