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ÉVANGÉLINE

Semblait le rapprocher du fragile bateau
Qui glissait lentement, en silence, sur l’eau.


Cependant un rameur d’une haute stature,
Portant un cor de cuivre à sa large ceinture,
Se leva de son banc à l’avant du canot ;
Et, comme pour hêler fortement, aussitôt
Quelque canot perdu comme le sien dans l’ombre,
En voguant au hasard dans ces bayous sans nombre,
Il emboucha son cor et souffla par trois fois.
La fanfare éclatante éveilla, sous les bois,
Mille échos étonnés, mille voix inquiètes
Qui moururent au loin, dans leurs sombres cachettes.
On entendit voler les nocturnes oiseaux ;
On entendit frémir les flexibles roseaux,
Les bannières de mousse et les vertes ogives
Qui flottaient au-dessus des ondes fugitives ;
Mais pas une voix d’homme, en ce lieu de terreur,
Ne répondit alors à l’appel du rameur.
Comme un pavot fleuri dont la tête s’incline
Sur le bord du canot la triste Évangéline
Inclina doucement son front toujours vermeil,
Et bientôt reposa dans un profond sommeil.
Les rameurs, en chantant des chansons Canadiennes,
Comme ils chantaient jadis, aux rives Acadiennes,
Quand ils se promenaient sur leurs fleuves profonds,
Dans les flots ténébreux plongeaient leurs avirons.
Et puis, dans le lointain, comme les sourds murmures
Des brises de la nuit qui bercent les ramures,