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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/93

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évangéline.

Et frappa, de son poing, la table de mélèze.
Ses compagnons surpris bondirent sur leur chaise,
Et le père Félix oublia, cette fois,
La prise de tabac qu’il tenait dans ses doigts.
Mais il reprit bientôt, le souris sur les lèvres :
« Défiez-vous, pourtant, défiez-vous des fièvres :
« Elles sont bien à craindre en ces brûlants climats.
« Comme dans l’Acadie on ne les guérit pas
« En mettant à son cou, pendant une journée,
« Une écale de noix avec une araignée.»


Pendant que les amis causaient tranquillement,
Des pas sur l’escalier montèrent lentement :
Et l’on ouït aussi d’indistinctes paroles.
C’étaient des invités : quelques pâles créoles
Et quelques Acadiens devenus des planteurs,
Loin du joug odieux de leurs persécuteurs,
Sur le sol fortuné qui leur offrit asile.
Ils venaient visiter leur bon ami Basile.
Plusieurs avaient connu, dans le bourg de Grand Pré,
La jeune Évangéline et le pieux curé.
Quelles ne furent pas, sous le toit du vieux pâtre,
De tous ces exilés réunis au même âtre
La joie et la surprise, en serrant sur leur cœur,
Ces amis d’autrefois que le même malheur
Avait disséminés sur de lointaines plages !
Un reflet de bonheur éclaira les visages,
Et le ciel fut témoin d’un spectacle émouvant ;
Ceux qui ne s’étaient pas connus auparavant,