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Page:LeMay - Fêtes et corvées, 1898.djvu/57

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FANTÔME

La mère Duvallon, qui portait allègrement ses soixante années, avait filé bien des aunes pendant les longues soirées de l’automne. Et toujours, pour accompagner le grondement du fuseau où se tordait le brin soyeux, un refrain d’ancienne chanson avait voltigé sur ses lèvres. Joséphine, debout devant le métier bruyant, avait tissé les étoffes nouvelles. Le bourdonnement du rouet, le claquement des marches sous des pieds vaillants, la course étourdissante de la navette sur la chaîne, le choc vif et dur des lisses sur la trame, tout cela avait rempli la maison d’un bruit singulier, et ceux qui passaient devant la porte se détournaient pour voir un peu les bonnes ouvrières et mieux entendre les joyeux échos du travail.

Maintenant plusieurs pièces d’étoffes, roulées avec soin et recouvertes d’un drap, à cause de la poussière, attendaient, au grenier, l’heure du foulage. Elle arriva.

Quand les invités entrèrent, le grand chaudron pendait à la crémaillère, au-dessus d’une flamme vive, dans la vaste cheminée de la cuisine. Dans cette ardente lueur du brasier, avec sa robe de suie, il paraissait plus noir.