Aller au contenu

Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

se glisse jusqu’à l’arrière. La sensation de froid augmente toujours.

— Le canot emplit ! pense-t-il… Les misérables ! quel mal leur ai-je donc fait ?

L’eau s’introduit peu à peu par les fentes mal calfeutrées. Le bois renflera, espère le muet, et les fentes se fermeront avant qu’il soit trop tard. L’eau entre sans cesse dans la frêle embarcation. C’était comme le sable fin du sablier qui tombe toujours. On croit d’abord que le verre ne s’emplira jamais tant l’issue est étroite. On suppose qu’un grain plus gros que les autres s’arrêtera et fermera le passage ; mais le sable tombe, tombe jusqu’au dernier grain. Une angoisse mortelle s’empare du jeune homme. Il pousse ce cri plaintif et amer qu’il avait jeté déjà. Personne n’y répond. Il le répète cent fois, et cent fois en vain. Le canot se penche sous le flot implacable, il devient plus roulant. Le ciel est toujours noir et le fleuve, toujours calme. Se noyer quand la tempête gronde, que les vagues écument et que les nacelles sont ballotées, cela se conçoit. Il y a lutte : il y a la colère des éléments en face de l’habilité et du sang froid de l’homme : et le vaincu ne tombe