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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

voisins disaient qu’il ne se mariait pas afin de dépenser moins. Il ne riait jamais. Toujours de mauvaise humeur et bourru, il était comme un dogue qui gronde et montre les dents aussitôt qu’on l’approche. Possesseur d’une magnifique terre de quatre arpents sur trente, bien bâtie de grange et de maison, il se croyait pauvre, travaillait beaucoup, et portait envie à ses voisins. Josepte Racourci était sa ménagère. Grande, sèche, sans âge, comme les filles qui passent trente, babillarde comme une pie, économe jusqu’à l’avarice, elle s’engageait à sept chelins et demi par mois, depuis nombre d’années, toujours dans l’espoir, disaient les malins, de se donner un jour pour rien. On n’aimait, dans le canton, ni le vieux garçon, ni la vieille fille.

Pendant que la mère Lozet et la Gagnon causent au bord du chemin, près du cénellier, le petit Joseph l’orphelin, passe en pleurant. Il porte un livre et une ardoise sous le bras gauche, et de sa main droite il tient le bord de son chapeau de paille, car il vente fort.

— Pourquoi pleures-tu, mon petit ? demande la mère Lozet.