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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

les autres enfants dorment chaudement enveloppés dans les draps de flanelle, près du poêle bourdonnant. L’orpheline ! elle a le fouet si un enfant pleure, car c’est toujours sa faute ; l’orpheline ! elle dévore un croûton de pain sec quand les autres enfants gaspillent de bonnes beurrées de crême sucrées. Pauvre orpheline ! elle passe douze ans ainsi ; et pourtant Jean Letellier a laissé de quoi nourrir, vêtir et chauffer ses deux enfants !

Peu à peu Joseph s’endurcit aux coups ; son humeur s’aigrit, son caractère devint difficile. À ses compagnons qui lui donnaient un coup il en rendait deux ; à son tuteur qui le réprimandait il faisait une grimace. Il aimait sa petite sœur et pour elle mettait parfois à sac la laiterie. Il était redoutable et malin. Il fallait souvent transiger avec lui, et ses petits triomphes lui donnaient de l’audace. Cependant la vie lui devenait insupportable et un jour il prit la résolution non pas de mourir mais de s’enfuir. Il se fit un riche sac de provisions, dénicha une bourse pleine de pièces de cinq francs que madame Eusèbe avait cachée sous sa paillasse, et il disparut.