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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

XI.

CE QUE C’EST D’AVOIR BONNE MÉMOIRE.


Joseph passa quelques années dans la ville, changeant de maître et d’emploi plus souvent que de chemise. Il devint un gamin redoutable. Les jours de marché, il se glissait à travers les coffres de fruits et les sacs de grain des habitants. Un moment après, il revenait joindre ses compagnons et partager avec eux des melons gravés d’une délicieuse senteur, ou des pommes fameuses, ou des prunes bleues qui ne lui avaient rien coûté. Quelquefois, pour gagner un sou, il marchait sur les mains ou faisait la roulette. Il jouissait d’un grand renom chez les siens, et régnait en roi sur un peuple d’enfants terribles. Il ne regrettait pas son tuteur, pas davantage la femme de son tuteur ; mais souvent il pensait à la petite Marie-Louise, et cette pensée le rendait triste, car il savait bien que la pauvre enfant souffrait toujours. Parfois il avait envie de l’aller ravir à ses gardiens cruels ; mais où la cacherait-il ?