Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sera d’autant plus respectée qu’elle est moins respectable, ajoute Picounoc.

— Canaille, va ! répond la vieille, tu mériterais de !…

L’hôtelière de La Colombe victorieuse et sa fille font pitié à voir. Pâles, les cheveux en désordre, ramenant sur leurs poitrines, comme pour se protéger encore, leurs vêtements jaloux, elle sanglotent toutes deux. Un tremblement convulsif saisit par moment la pauvre Emmélie. Alors elle jette ses bras autour du cou de sa mère, et, silencieuse, paraît invoquer encore la protection du ciel. Les heures de cette nuit affreuse furent longues comme des siècles. Le temps n’est rien en soi et ne dure que par comparaison. Une minute de souffrances est plus longue en effet qu’une heure d’ivresse. Et voilà pourquoi, à la fin du monde, quand il n’y aura plus que le ciel et l’enfer, ceux qui ne seront pas entièrement purifiés, souffriront, en un clin d’œil, des supplices qui leurs sembleront égaux en durée à des heures, à des jours ou à des années, selon qu’ils seront plus ou moins terribles. Et l’éternité bienheureuse pourra sembler ne durer