Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/146

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méditait ce projet et en étudiait les conséquences, le bruit cessa presque tout à fait au grenier : l’on n’entendit plus que les pas un peu embarrassés du malheureux qui rôdait dans sa chambre étroite, comme un lion dans sa cage de fer, cherchant une issue par où s’échapper, puis l’on n’entendit plus rien.

Un silence de mort enveloppe l’heureuse maison. C’est le présage de la tempête. Tour à tour chacun cède aux charmes du sommeil, les regards s’éteignent, et, pendant que les corps reposent sur les couches de paille fraîche et de plume, les esprits s’envolent et continuent à penser et à souffrir, à jouir et à aimer.

Deux heures sonnent à la grande horloge adossée au mur, dans le coin de la pièce principale, et le timbre clair semble jeter deux cris de douleur. Charlot se lève. Marchant sur le bout des pieds, il s’introduit dans la chambre de ses hôtes et s’assure qu’ils dorment bien. Alors il s’avance vers la porte d’entrée, lève le loquet de bois qui pèse sur la clenche et, sans produire le moindre son, il réussit à ouvrir. Ses compagnons entrent. Ils marchent tous cinq, en silence, et leurs pieds maudits glissent sans bruit sur le plancher, comme les