Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/177

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gais et jaseurs ; gris, ils devinrent expansifs, gouailleurs et vantards ; ivres, ils se fâchèrent et voulurent se battre, ils se donnèrent la main et s’embrassèrent, ils s’attendrirent au souvenir du charlatan et se mirent à pleurer, ils s’endormirent et ronflèrent.

Le maître d’école, ivre comme ses compagnons, se lève, trébuchant ; tire de sa poche un long couteau à ressort dont il ouvre la lame aigue, et s’approche, menaçant, de la petite Marie-Louise endormie sur une chaise. L’enfant, vaincue par la fatigue, reposait dans un sommeil profond. Mademoiselle Paméla, sortie dès le soir de bonne heure, n’était pas encore rentrée, et personne ne s’était occupé de donner un lit à l’enfant. Le maître d’école se penche sur elle. Il rit d’un rire diabolique. La lame du couteau luit à la lumière de la chandelle. Le chef, Robert et Charlot ronflent toujours en cuvant leur boisson. Avait-il envie de tuer la petite, ou, cédant à un de ces caprices inexplicables qui passent par la tête des gens ivres, voulait-il seulement lui faire peur ? Il recule d’un pas comme pour mieux viser et donner plus de force à son couteau. Il ne rit plus, il a l’air féroce ; mais à son tour l’enfant endormie sourit doucement.