Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/18

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Aujourd’hui j’ai perdu bien plus d’une espérance
En floraison,
Et le doute a soufflé sur ma frêle existence
Son froid poison !
Ici bas j’ai cherché des amitiés divines,
Soins superflus !
L’amour a des regrets, le bonheur, des épines…
Je n’y crois plus !


La chanteuse marche. On la voit passer à travers les branches dénudées, comme un spectre au milieu des croix du cimetière. Elle descend la côte. Ses cheveux en désordre flottent sur ses épaules. D’une main, elle retient les pointes d’un châle de mérino jeté sur sa robe d’étoffe du pays, et de l’autre, elle porte un petit chapeau qui doit avoir coiffé une tête mignonne. Elle s’avance jusqu’au milieu du pont, regarde de côtés et d’autres, se penche par-dessus le garde-fou comme pour mesurer la hauteur où elle se trouve, tend une main vers le ruisseau profond et gesticule en parlant avec feu. Les brayeurs la regardent, surpris, mais ne comprennent point ses paroles. Elle les aperçoit soudain, se tait, leur fait un signe de la main, et franchit d’un bond le pont étroit. Elle arrive en courant.